Parents-enfants et troubles psychiques : deux projets très intéressants, Parent’aise et Etincelle

Les relations intrafamiliales ne sont pas toujours simples. Elles peuvent être complexifiées quand un des parents souffre d’un trouble psychique. Le service de santé mentale (SSM) de Montignies-sur-Sambre a créé le projet « Parent’aise ».

Valérie Bourgeois, coordinatrice de cette initiative, nous en parle.

« Nous avons participé à un colloque à Paris, qui traitait de la parentalité en lien avec la santé mentale. Dans les SSM, il y a des psychologues qui accueillent des enfants et d’autres qui accueillent des adultes. L’équipe adultes s’est rendu compte que des bénéficiaires avaient eu des parents avec des difficultés psychiques et qu’ils gardaient des souvenirs douloureux de leur relation.

On s’est aussi rendu compte que des professionnels n’avaient jamais mis des mots ou aidé les parents concernés à mettre des mots sur leur souffrance.

Dans l’équipe enfants, certains d’entre eux ne comprennent pas toujours pourquoi leurs parents restent au lit toute la journée, ne vont pas bien, sont impulsifs.

La psychologue de l’équipe enfants, Laurence Josis, l’assistante sociale des deux équipes, Lydvine Di Pietrantonio et moi-même, psychologue de l’équipe adultes, nous nous sommes associées et nous avons créé Parent’aise, c’est-à-dire des groupes qui réuniraient des parents en souffrance psychique, confrontés à des difficultés dans leur parentalité et leur rapport à leur enfant.

Concrètement, un vendredi sur deux, de 10h à 12h, on réunit 7 à 8 participants maximum et on démarre toujours les échanges au départ d’une question formulée par un parent. On travaille sur cette question soit par la parole soit par divers médias, comme le dessin, le collage, la peinture, …

Je peux citer des exemples de problématiques abordées : comment puis-je expliquer à mon enfant que je suis toujours dans mon lit, que j’ai des difficultés à effectuer les tâches ménagères ? Comment mettre des limites à mon enfant alors que j’ai du mal à m’en mettre à moi-même ?

Le projet se déroule de septembre à juin, avec une pause en janvier, afin que les parents puissent dire s’ils souhaitent continuer ou pas.

Avant que les participants intègrent le groupe, on les rencontre une fois afin d’évaluer avec eux si Parent’aise pourrait répondre à leurs attentes. Jusqu’à présent, nous avons accueilli essentiellement des mamans et une fois un papa.

Dans un avenir plus éloigné, nous aimerions créer des ateliers parents-enfants, soigner le lien entre eux, par des activités culinaires, par exemple mais, pour ça, il faut des moyens. ».

  Laurence Josis, Lydvine Di Pietrantonio et Valérie Bourgeois

Service de Santé Mentale de Montignies-sur-Sambre 071/108610

(75, avenue du Centenaire Montignies sur Sambre)

A l’ASBL Etincelle, l’espoir scintille

En Belgique francophone, une association offre un soutien et un accompagnement aux enfants de parents souffrant de troubles psychiques. Nous avons rencontré Carole Cocriamont, co-coordinatrice avec Laure Hosselet. Elle nous parle de ce très beau projet pour les plus jeunes.

« Etincelle a été créée en 2019. C’est le fruit de notre expérience commune dans le secteur de la santé mentale pour adultes (plus précisément les Initiatives d’Habitations Protégées, I.H.P.), notamment des personnes souffrant de troubles bipolaires ou de schizophrénie ainsi que d’autres pathologies. On partageait vraiment leur quotidien, on les aidait à gérer leur budget, les courses alimentaires, le ménage, etc.

On s’est rendu compte qu’on croisait les enfants des résidents mais qu’il n’y avait pas vraiment une personne qui prenait le temps d’écouter comment ils vivaient la maladie de leur proche. Et puis, un jour, une résidente a mis fin à ses jours. Elle avait deux jeunes fils. Aucun accompagnement psychologique n’était prévu pour eux. On a cherché un service pour les jeunes. Il y avait bien des pistes, comme par exemple, les centres PMS, les plannings mais ce qu’on voulait, Laure et moi, c’était de permettre aux jeunes de parler de la santé mentale. Un de nos plus grand souhait est de recréer du lien entre, d’une part, les secteurs de l’enfance et d’aide à la jeunesse et, d’autre part, de la santé mentale.

Il y a eu un appel à projets de la Fondation Roi Baudouin, on y a remis un dossier et on a créé l’ASBL. Le premier objectif était d’ouvrir un dialogue avec les jeunes. On organise des entretiens avec la famille quand cela se révèle nécessaire.

On propose aussi des supervisions formatives pour réfléchir avec les professionnels des deux secteurs que j’ai cités quant à leur pratique de terrain.

Etincelle offre également des animations dans les écoles, pour les enfants, à partir de 5 ans et jusqu’aux jeunes adultes de 25 ans maximum.

Nous utilisons différents outils, dont des valisettes pédagogiques que nous avons créées. Le film « La forêt de mon père » de Vero Cratzborn fait partie des outils que nous utilisons avec les plus grands afin d’ouvrir le débat.

Autre aspect de nos activités : un travail en réseau au niveau européen sous forme d’une communauté d’échange de pratique. C’est Vero qui a mis tout le monde en contact grâce à son film et son énergie pour faire changer les choses, elle est parvenue à rassembler des partenaires français, suisses, luxembourgeois.

Nous bénéficions des travaux de personnes ressources, comme Marc Boily, professeur à l’Université du Québec, qui a écrit « Au-delà des troubles mentaux, la vie familiale. Regard sur la parentalité ». Mais également du soutien indéfectible de Frédérique Van Leuven, psychiatre, qui répondait déjà à toutes nos questions quand on travaillait pour les I.H.P. et qui est une des expertes de la thématique que nous traitons au quotidien.

Elle a coécrit un livre « Grandir avec un parent en souffrance psychique » avec Cathy Caullier.

Je terminerai en vous informant que le cirque Bouglione propose un spectacle au profit de notre association, à Mons , le 5 décembre 2023 et qu’on organise un colloque le 29 janvier 2024 au Beau Vallon.

Toutes les informations se trouvent sur notre site : https://etincelleasbl.com . ».

Les deux coordinatrices, Laure Hosselet et Carole Cocriamont

Interviews réalisées par Franca Rossi

Le Centre de Rééducation Fonctionnelle « La Cordée » est très impliqué dans le rétablissement des usagers

Le Centre de Rééducation Fonctionnelle « La Cordée » est très impliqué dans le rétablissement des usagers

« Le CRF est né sous l’impulsion de professionnels de l’insertion et du logement, à l’initiative de Claudine Henry, qui était à l’époque coordinatrice du Réseau 107 en province de Luxembourg. Une convention a été signée avec l’INAMI et le CRF a ouvert ses portes en septembre 2018. L’équipe est actuellement composée de 12 personnes et nous proposons deux types d’accompagnement. Il y a l’accompagnement individuel, qui est assuré par notre jobcoach, active dans tout ce qui a trait à la réinsertion professionnelle et qui aide les usagers dans leurs démarches, par exemple en cas de changement de travail, une rupture de contrat, une recherche d’emploi ou un maintien à l’emploi. Nous proposons aussi un accompagnement collectif, qui vise un objectif plus global, de qualité de vie. Il ne faut donc pas nécessairement avoir un projet de réinsertion professionnelle pour bénéficier de ce service. Nous accueillons autant de femmes que d’hommes, la moyenne d’âge est de 35 ans, l’âge minimal est 16 ans mais il n’y a pas de limite supérieure. Il s’agit de personnes qui vivent avec un trouble de santé mentale, qui sont stabilisées et qui veulent changer quelque chose dans leur vie pour aller vers un mieux. L’accompagnement est prévu pour une période déterminée, parce que le CRF constitue une étape du processus de rétablissement. Nous mettons en place un réseau de personnes de contact auxquelles l’usager peut s’adresser, comme les professionnels du Réseau 107 ProxiRéLux, l’aide de première ligne, … Nous collaborons avec les CPAS, les services d’insertion, toujours en fonction des besoins de la personne. C’est donc un accompagnement individualisé. Notre objectif est de pouvoir créer et entretenir le lien qui soigne, par la rencontre entre les usagers, le partage d’expérience, le dialogue. Tout cela soigne autant que ce que nous, professionnels apportons. Tout ce que l’équipe souhaite, c’est de sortir les usagers de l’isolement, de les soutenir dans leur cheminement vers le rétablissement. Nous avons édité un livre qui donne la parole aux usagers, proches et professionnels. L’ouvrage est disponible à partir du 20 septembre 2023 et s’intitule « Santé mentale : entre croyances et préjugés, récits au quotidien ».


Propos recueillis par Franca Rossi

Site web du CRF :

https://www.crf-lacordee.com/

Le Conseil Local des Personnes concernées, un lieu d’échanges à Bruxelles

Le Conseil Local des Personnes concernées, un lieu d’échanges à Bruxelles

Le Conseil Local des Personnes concernées (CLPC) est un groupe d’usagers, ex usagers et proches en santé mentale, créé par le Réseau Norwest. Les participants y échangent des points de vue, partagent leurs expériences et élaborent des recommandations à l’attention des professionnels et responsables politiques.

Chantal Lejeune est une membre active du CLPC. Elle nous en parle.

« Ce groupe est destiné à faire entendre la voix des usagers, ex usagers et proches. Ce n’est pas un groupe de parole mais plutôt d’action, avec une dimension plus politique, c’est-à-dire qu’on fait remonter les informations vers le conseil d’administration du Réseau Norwest, composé de professionnels et vers les mandataires politiques. Je suis la seule au CA à être non professionnelle et à représenter les usagers.

Le CLPC est un lieu important dans le processus de rétablissement des personnes avec des problèmes de santé mentale. Quand j’ai été diagnostiquée, je me sentais seule au monde. C’est donc important de fédérer les énergies, d’unir les forces pour aider les personnes concernées, comme le fait, entre autres, le Funambule.

Au CLPC, on accueille parfois des proches qui viennent avec des problématiques ponctuelles, parce qu’ils vivent une situation difficile avec un membre de leur famille. Quand nous sommes confrontés à de telles questions, nous faisons appel à Similes, qui partage son expertise et ses ressources.

On essaie de susciter l’intérêt de nouveaux participants potentiels, on va parler du CLPC dans les maisons médicales, les services de santé mentale et les hôpitaux psychiatriques. Les usagers, ex usagers et proches peuvent venir à une réunion, ponctuellement donc, mais l’idéal serait une implication régulière.

Nous avons un projet pour les personnes âgées vivant avec une problématique de santé mentale. Il nous semble important de se rendre à domicile, dans les quartiers, les maisons de repos, etc. ».

Propos recueillis par Franca Rossi

Pour en savoir plus sur le Réseau Norwest et le CLPC : www.norwest.be rubrique « Initiatives »

0470/494913

clpc@norwest.be

Emission radio avec Sylvie Detaille, du Réseau Norwest et Chantal Lejeune, du CLPC :

https://www.radiopanik.org/emissions/psylence-radio/donner-la-parole-partager-nos-voix/

Article dans « En Marche »

« Tous fous ?! Parler autrement de la santé mentale », une initiative de la Fondation Roi Baudouin

« Tous fous ?! Parler autrement de la santé mentale », une initiative de la Fondation Roi Baudouin

Les usagers en santé mentale se plaignent souvent de la manière dont cette thématique est traitée dans les médias et dans la société. Ils estiment que l’on donne une mauvaise image des personnes avec des troubles psychiques. La Fondation Roi Baudouin a donc voulu étudier les représentations sociales de la santé mentale.

Pour ce faire, nous avons contacté l’Institut d’Etude des Médias de la KUL. Là-bas, le Professeur Baldwin Van Gorp a réalisé ce qu’il appelle une étude de framing. Les frames, ce sont les images négatives et positives qui sont véhiculées à propos d’un thème. Une analyse d’articles, de documentaires, de films, de journaux télévisés et radio permet d’extraire ces frames. La Fondation Roi Baudouin a financé cette recherche et elle souhaitait que les résultats de celle-ci ne restent pas dans les tiroirs d’un bureau. C’est pourquoi la Fondation a décidé d’agir dans trois secteurs : la santé mentale, la justice et les médias. Pour la santé mentale, nous avons organisé un appel à projets pour travailler sur les représentations sociales dans différents types d’organisations (maisons médicales, hôpitaux, services de santé mentale, …). Pour la justice, nous avons collaboré avec l’Institut de Formation Judiciaire (IFJ). Nous y avons mis sur pied une formation à destination des magistrats (notamment les juges de paix) en contact avec des justiciables qui peuvent avoir des troubles psychiques.

Pour le secteur des médias, nous avons organisé un concours dans les écoles de journalisme, pour sensibiliser les étudiants en les faisant travailler sur les frames, lors de la réalisation d’un article, une émission radio ou TV, un site web, … Nous avons aussi collaboré avec le CRéSAM (centre de référence en santé mentale). En collaboration avec des usagers et des professionnels, le CRéSAM est allé à la rencontre des rédacteurs en chef et des journalistes pour leur donner des conseils pratiques quant à une manière de communiquer de manière plus nuancée sur la santé mentale. Lors de ces réunions, l’accent a été mis notamment sur l’importance de distinguer la personne de la pathologie et de bien choisir les mots et les images, notamment dans les informations relatives à des faits criminels. Toutes les personnes ayant des troubles psychiques ne commettent pas des actes répréhensibles…

Pour changer les représentations sociales de la santé mentale et œuvrer à la déstigmatiser, c’est un travail de longue haleine car les mentalités ne changent pas facilement. La récente crise sanitaire aura sans doute eu un effet positif, c’est que la question des troubles psychiques est venue à l’avant-plan et que les gens se sont dit « cela peut arriver à tout le monde ».

                                                           Une interview de Yves Dario, propos recueillis par Franca Rossi

 

 

 

Liens de téléchargement des documents cités dans l’article :

 

– Étude sur les représentations sociales :

https://kbs-frb.be/fr/se-representer-autrement-les-personnes-avec-des-troubles-psychiques-analyser-nuancer-destigmatiser

 

– La brochure :

https://kbs-frb.be/fr/tous-fous-parler-autrement-de-la-sante-mentale

 

– Les conseils pratiques pour les professionnels des médias :

https://kbs-frb.be/fr/sept-conseils-pour-communiquer-propos-de-la-sante-mentale

 

 

– Les conseils pratiques pour les professionnel de la justice :

https://kbs-frb.be/fr/sept-conseils-pratiques-pour-mieux-aborder-les-personnes-avec-un-trouble-psychique-dans-un-contexte

 

 

– Le rapport de synthèse sur les projets menés par les professionnels des soins en santé mentale :

https://kbs-frb.be/fr/communiquer-autrement-propos-des-troubles-psychiques-dans-un-contexte-de-soin

Santé mentale : un numéro vert d’entraide et de soutien

Santé mentale : un numéro vert d’entraide et de soutien

La Plateforme Bruxelloise pour la Santé Mentale, qui regroupe une quarantaine d’institutions et professionnels, dispose désormais d’un numéro d’appel, gratuit et anonyme. Une très belle initiative dont nous parle Olivier De Gand, coordinateur usagers et proches de la plateforme.

« Nous avons commencé à réfléchir sur ce projet durant le second semestre 2020. On recevait souvent des demandes d’orientation ou d’informations, générales ou juridiques. On a donc constitué un petit groupe pour démarrer ce nouveau service aux personnes. Une dizaine d’usagers et proches d’Interface assurent le rôle de répondants depuis le 1er juillet. Nous avons reçu pour l’instant une trentaine d’appels, principalement des demandes d’informations. Quand les appelants sont en détresse, on réoriente vers d’autres partenaires comme Prévention Suicide, les équipes mobiles, Télé-Accueil…. Ce numéro vert répond à une recommandation faite au niveau fédéral par des usagers et proches pour bénéficier d’un service plus centralisé. Notre initiative vient compléter notre répertoire en santé mentale (www.santementale.brussels), qui permet de s’informer sur l’offre de soins à Bruxelles.

Pour faire connaître le numéro vert, on a utilisé nos canaux de communication (site, newsletter, page Facebook) et on a diffusé des affichettes dans les stations de métro et les mutuelles, notamment. Avec celles-ci, des collaborations sont envisagées, par exemple pour afficher le numéro sur les écrans des salles d’attente. On a aussi diffusé des affiches et des flyers auprès des médecins généralistes et pharmaciens. On cherche des représentants de firmes pharmaceutiques, habitués aux contacts avec les pharmacies, pour qu’ils jouent un rôle de relais. Nous souhaitons collaborer avec les associations partenaires, dans une optique de complémentarité et d’échange de bonnes pratiques. Ce sera le cas avec le Funambule. Nous voulons également renforcer la coordination et la gestion des appels avec une personne qui coordonnera cette ligne téléphonique.

Propos recueillis par Franca Rossi

Affiche
Semaine de la santé mentale : interview du CRESaM

Semaine de la santé mentale : interview du CRESaM

La semaine de la santé mentale se déroule dans le cadre de la Journée mondiale de la santé mentale du 10 octobre. Julie Delbascourt, coordinatrice de la semaine de la santé mentale en Wallonie pour le CRéSaM (Centre de référence en santé mentale), nous en parle.

 complet de « En 2011, le CRéSaM a organisé une semaine antistress pendant quatre ans et, en 2015, c’est devenu la semaine de la santé mentale. Cette année, le programme comporte 57 activités en vrai, 8 en ligne et une journée d’études à Namur le 12 octobre.

Franchir la porte d’un service de santé mentale ou consulter un psychologue est une démarche un peu difficile pour de nombreuses personnes. Cela est dû aux représentations qu’on se fait de la santé mentale mais aussi d’une méconnaissance de ce en quoi consistent les aides dans ce domaine. La semaine que nous organisons permet de montrer la diversité des aides et soutiens dans le secteur et qu’elles ne se limitent pas aux hôpitaux psychiatriques et consultations privées.

On souhaite donner une visibilité aux acteurs de terrain, également pour déstigmatiser la santé mentale car des citoyens ont une vision stéréotypée des soins. On veut donc contribuer à favoriser l’accès à ces soins et éviter en définitive, que les gens ne se retrouvent dans des situations dont ils ne peuvent plus sortir. C’est donc une démarche de prévention et nullement juste un coup de com’.

L’objectif est de mener une réflexion, en réunissant professionnels, usagers et proches, sur une question centrale : quels soins en santé mentale veut-on pour demain ? ».

Programme de la semaine de la santé mentale